Sous l'emprise de la crise
SAINT-MARC-PIED-DE-PORC, JUILLET 2015
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C'est au bord du découragement que Thomas remonte dans son utilitaire aux couleurs de son entreprise. Sa seconde visite de la matinée l'a encore plongé au coeur de l'actualité du monde de l'élevage. « Plusieurs centaines de producteurs de lait et d'éleveurs de porcs et de bovins manifestent autour de Caen en ce lundi 20 juillet, pour protester contre les prix trop faibles de la viande de porc et de boeuf, qui ne leur permettent pas de couvrir leurs coûts de production », annonce d'un ton linéaire un journaliste dans les haut-parleurs de la radio. « Et ce n'est pas terminé, la journée va encore être difficile », pense alors Thomas qui reprend la route jusqu'à chez Frédéric, éleveur de taurillons. Il sait déjà ce qui l'attend.
« Non, Thomas, je ne peux pas m'engager plus longtemps pour l'instant. Je ne peux prendre que deux mois de couverture. Je suis au taquet. » D'une voix vibrant de colère, l'agriculteur fait de grands gestes devant le technico-commercial de 38 ans qui ne sait plus comment sortir de cette spirale négative dans laquelle il navigue depuis plusieurs jours.
Même refrain chez Patrick qui déverse sa hargne sur les grandes surfaces, le gouvernement et bien d'autres. « Que des menteurs, des guignols. Ah, ils nous ont bien bernés avec leur accord du 17 juin. Thomas, t'as bien vu les prix ? Pas un centime d'augmentation. Que des belles paroles. » Ecartant les bras en signe d'impuissance, le technico-commercial ne peut qu'acquiescer. « Oui ce n'est pas juste pour vous. » Ce qui stimule l'éleveur à continuer : « Va falloir baisser vos prix les gars car nous coulons. Je suis sous mon prix de revient depuis plusieurs mois. A cette allure, je vais monter dans la charrette comme les 20 000 qui sont annoncés. »
Après avoir bataillé une nouvelle fois sur le prix de l'aliment durant une demi-heure, Thomas repart avec une commande moitié moins importante que d'habitude. Une fois, au volant, il regarde son listing. « Je n'en peux plus. J'ai besoin de changer d'air. Mais ça va être la même chanson tout l'après-midi avec Olivier qui se bat pour garder la tête hors de l'eau avec ses porcs charcutiers, Valentin qui vient de s'installer en lait et Sophie qui veut arrêter les allaitantes. »
Hélène Laurandel
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